La prise en charge des incidentalomes surrénaliens pose souvent un défi, notamment en l’absence actuelle de guidelines internationalement acceptés : quelle conduite tenir devant un incidentalome, et quel équilibre trouver entre une attitude pas assez « agressive » qui risquerait de priver certains patients d’un traitement qui leur serait nécessaire, et une stratégie qui leur serait trop, en contradiction avec le principe de primum non nocere ?

Mis à part quelques consensus d’experts, il n’existe aujourd’hui pas de guidelines généralement acceptées autour de la prise en charge d’un incidentalome surrénalien. Ce dernier se définit comme une masse surrénalienne découverte fortuitement à l’occasion d’un examen réalisé dans une indication autre que l’exploration d’un dysfonctionnement surrénalien.

L’incidence de ces incidentalomes est relativement élevée, de l’ordre de 2 à 3% de la population générale, pouvant atteindre 10% dans certaines études. Elle augmente avec l’âge.

C’est dans l’objectif de pallier ce manque qu’un comité clinique de l’ESE a démarré en octobre 2013 les travaux de développement de nouveaux guidelines, qui seront publiés en juin 2016 1.

Ces guidelines reposent sur une approche par grade :

  • Définir les questions cliniques ;
  • Recherche systématique ;
  • Qualité des données – 4 niveaux : haute/modérée/faible/très faible ;
  • Recommandations : fortes (« nous recommandons ») ou faible (« nous suggérons »)

Le principal objectif de l’exploration radiologique des incidentalomes est de distinguer, dans la mesure du possible, les lésions bénignes des malignes. Il est rare que cela puisse se faire sur la base des éléments d’imagerie.

Imagerie :

  • Scanner sans contraste : permet entre autre de mesurer la densité de la lésion. Une lésion riche en lipides, de faible densité (≤ 10 HU), est bénigne.
  • IRM
  • PET Scan.

Une lésion de diamètre < 4 cm qui ne présente pas de critères radiologiques suspects ne nécessite pas la poursuite des explorations.

Explorations endocriniennes :

Il est recommandé de réaliser un test de stimulation à la dexamethasone 1 mg, afin d’éliminer un trouble glucocorticoïdes (une « sécrétion autonome de cortisol ») chez ces patients. La présence de tels troubles peut être responsable de comorbidités significatives chez les patients et nécessite une prise en charge spécifique : hypertension, intolérance au glucose ou diabète de type 2, obésité, dyslipidémies, ostéoporose. Selon les résultats :

  • Cortisolémie ≤ 1,8 µg/dL : exclut une sécrétion autonome de cortisol ;
  • Cortisolémie ≥ 5 µg/dL : confirme une sécrétion autonome de cortisol ;
  • Entre les deux valeurs : zone d’incertitude : sécrétion autonome de cortisol possible.

Il est également recommandé de réaliser un dosage des catécholamines dans l’objectif d’éliminer la présence de phéochromocytome. Il est par contre simplement suggéré de doser les hormones sexuelles et les précurseurs stéroïdiens en cas de suspicion de carcinome corticosurrénalien.

Chirurgie :

Deux questions clés dans ce contexte :

  • À quels patients la chirurgie s’adresse-t-elle ?
  • Une fois l’indication chirurgicale posée, doit-elle être réalisée par voie laparoscopique ou à ciel ouvert ?

Il n’y a aucune indication chirurgicale en cas de tumeur unilatérale non sécrétante et ne présentant pas d’aspect suspect à l’imagerie. C’est le cas de la majorité des lésions dont le diamètre est ≤ 4 cm. Toutefois, la chirurgie pourrait être indiquée en cas de tumeur > 4 cm.

La chirurgie est indiquée en cas de tumeur sécrétante, ou en cas de signes radiologiques de malignité :

  • Tumeur sécrétante : résection par voie laparoscopique
  • Si signes radiologiques de malignité :
    • Diamètre ≤ 6 cm et en l’absence d’envahissement local : résection par voie laparoscopique
    • Diamètre > 6 cm et/ou envahissement local : résection à ciel ouvert.

Suivi des patients :

Le suivi des patients ayant un incidentalome qui n’a pas relevé d’un traitement immédiat est justifié pour deux raisons :

  • Le risque de transformation maligne ;
  • Le risque de survenue secondaire d’une hypersécrétion hormonale.

Le risque de transformation maligne des incidentalomes est faible, de l’ordre de 0,2%, il n’est donc pas suggéré de surveillance radiologique de lésions < 4 cm ayant un aspect radiologique bénin. Dans le cas de lésions n’ayant pas un aspect clairement bénin mais pour lesquelles une indication chirurgicale initiale n’a pas été posée, il est recommandé de réaliser un scanner sans contraste de surveillance à 6-12 mois. Si la lésion a augmenté de plus de 20% ou si elle est devenue ≥ 5 cm, la chirurgie est suggérée.

Il existe aussi un risque que l’incidentalome développe une hypersécrétion hormonale secondaire. Celle-ci peut prendre plusieurs formes :

  • Aldostéronome : risque moyen de 0,06% (n = 1794 patients) ;
  • Phéochromocytome : risque moyen de 0,38% (n = 2003 patients) ;
  • Syndrome de Cushing : risque moyen de 0,27% (n = 2225 patients).

Il n’est toutefois pas suggéré de poursuivre les bilans endocriniens chez les patients dont l’évaluation initiale n’a pas mis en évidence d’anomalies, sauf en cas d’apparition de nouveaux symptômes ou de survenue de comorbidités (hypertension, diabète de type 2 ou autres)

Source :

1 : Fassnacht M et al. Management of adrenal incidentalomas – a European Society of Endocrinology Clinical Practice Guidelines in collaboration the European Network for the Study of Adrenal Tumors. Eur J Endocrinol; June 2016 : in press.

D’après le symposium « ESE clinical guidelines : Management of adrenal incidentaloma », ECE 2016, le dimanche 29 mai