Pendant ce débat, les Professeurs Massimo Terzolo et Paul Stewart nous ont présenté des arguments POUR (Pr Terzolo) et des arguments CONTRE (Pr Stewart) le traitement du syndrome de Cushing infraclinique.

 

Arguments POUR:

Le Pr Massimo Terzolo, a souligné une augmentation de la morbidité et de la mortalité chez les patients avec un syndrome de Cushing infraclinique. En effet, Di Dalmazi et al (1) ont observé, dans une cohorte de patients avec des incidentalomes surrénaliens (n=198), suivis de manière prospective pour une durée moyenne de 7,5 ans +/- 3.2 DS, une incidence plus élevée des événements cardiovasculaires chez les patients présentant le syndrome de Cushing infraclinique (n= 61) en comparaison avec les patients présentant les incidentalomes surrénaliens non sécrétant (n=114) (16,7 % vs 6,7 %; p=0,04).

Bancos et al (article en révision) ont pu démontrer dans une revue systématique de la littérature (26 études : 16 rétrospectives, 9 prospectives, 1 étude randomisée contrôlée) incluant 584 patients avec syndrome de Cushing infraclinique et 457 patients avec des incidentalomes surrénaliens non secrétant, une diminution de l’incidence des facteurs de risque cardiovasculaire après une surrénalectomie : hypertension artérielle (HTA) (68 % vs 48 %), diabète de type 2 mellitus T2DM (30 % vs 8 %), dyslipidémie (26 % vs 22 %), obésité (35 % vs 19 %). Le Pr Terzolo a cité également des résultats de l’étude de son équipe montrant une diminution de la mortalité chez les patients ayant bénéficié d’une surrénalectomie sélective (n=30) versus les patients non opérés (n=98) après un suivi médiane de 60 mois (2)

À la fin de son exposé, le Pr Massimo Terzolo a souligné deux points forts :

– un syndrome de Cushing infraclinique représente le risque élevé de morbidité et de mortalité.

– une surrénalectomie permet de diminuer le risque cardiovasculaire.

Arguments CONTRE:

Le Pr Paul Stewart a évoqué en particulier une hétérogénéité des critères diagnostiques.

Quelle est la définition du syndrome de Cushing infraclinique ?

Les critères diagnostiques ne sont pas uniformes (positivité de deux parmi les tests suivants étant nécessaire pour confirmer le diagnostic) (3, 4) :

– test de freinage à la dexaméthasone – avec quel seuil de cortisolémie ? < 50 < 140 nmol/l ?

– cortisol libre urinaire, perte d’une sécrétion circadienne de cortisol, cortisolémie dosée de manière fortuite

– cortisol salivaire à minuit

– sulfate de déhydroépiandrostérone (SDHEA), hormone corticotrope hypophysaire ou adrénocorticotrophine (ACTH) (en réponse au test à la CRH)

– captation unilatérale à la scintigraphie surrénalienne.

Une surrénalectomie, est-elle efficace ?

Des études anciennes disponibles dans la littérature portent sur des séries de petite taille (entre 4 et 11 patients) (5). Une étude récente de Salcuni et al a montré chez les patients ayant bénéficié d’une surrénalectomie, une réduction du risque d’une fracture vertébrale après suivie moyenne 30 +/-21 jours. Par contre les auteurs n’ont pas observé d’effet significatif sur la glycémie ou la tension artérielle (6).

Le Pr Stewart a insisté sur des éléments suivants :

Des données dans la littérature ont démontré que le diagnostic d’un syndrome de Cushing infraclinique est difficile, car :

– plusieurs situations peuvent provoquer l’hypercorticisme,

– des signes liés au vieillissement physiologique peuvent être confondus avec ceux de l’hypercorticisme (7),

– des outils diagnostiques fiables ne sont pas disponibles à l’heure actuelle.

Un taux d’ACTH effondré permet de confirmer l’origine surrénalienne d’une sécrétion autonome, mais n’a pas de valeur diagnostique.

Une cortisolémie > 138 mmol/l isolée après le test de freinage à la dexaméthasone ne permet pas de confirmer une sécrétion surrénalienne autonome.

Quel message peut-on en tirer ?

Au vu de ces éléments, il est évident que les données disponibles ne sont pas concluantes. Chez un patient avec l’hypercorticisme biologique, lesquelles parmi des situations suivantes : obésité, diabète, hypertension, diminution de la densité minérale osseuse, peuvent être considérées comme « infracliniques » ?

Malgré des arguments présentés par les deux orateurs, un tiers de l’audience dans la salle reste sans décision à la fin du débat.

L’opinion de la salle, d’après le sondage réalisé avant et après le débat sur la nécessité de mettre en place un traitement, est récapitulée dans le tableau ci-dessous :

Sondage Avant débat Après débat
Pour le traitement 60 % 15 %
Contre le traitement 7 % 50 %
Sans décision 33 % 35 %

 

Références:

(1) Di Dalmazi G, Vicennati V, Garelli S et al. Cardiovascular events and mortality in patients with adrenal incidentalomas that are either non-secreting or associated with intermediate phenotype or subclinical Cushing’s syndrome: a 15-year retrospective study. Lancet Diabetes Endocrinol. 2014 ;2:396-405.

(2) Reimondo I, Mbachu E, Pellegrino M et al. Cortisol autonomy is associated with increased risk of cardiovascular events and mortality in patients with adrenal incidentalomas: beneficial effects of a selective use of adrenalectomy. Poster session, ECE Munich, 30 mai 2016.

(3) Shen J, Sun M, Zhou B, Yan J. Nonconformity in the clinical practice guidelines for subclinical Cushing’s syndrome: which guidelines are trustworthy ? Eur J Endocrinol. 2014 ;171:421-31

(4) Terzolo M, Stigliano A, Chiodini I,et al. AME position statement on adrenal incidentaloma. Eur J Endocrinol. 2011;164:851-70

(5) Chiodini I. Clinical review: Diagnosis and treatment of subclinical hypercortisolism. J Clin Endocrinol Metab. 2011; 96: 1223–36.

(6) Salcuni AS, Morelli V, Eller Vainicher C et al. Adrenalectomy reduces the risk of vertebral fractures in patients with monolateral adrenal incidentalomas and subclinical hypercortisolism. Eur J Endocrinol. 2016 ;174:261-9

(7) Cawood TJ, Hunt PJ, O’Shea D,et al. Recommended evaluation of adrenal incidentalomas is costly, has high false-positive rates and confers a risk of fatal cancer that is similar to the risk of the adrenal lesion becoming malignant; time for a rethink ? Eur J Endocrinol. 2009;161:513-27

D’après les interventions au cours du Débat n°4 intitulé “Should we treat subclinical Cushing syndrome ?” FOR : Pr Massimo Terzolo (Italy), AGAINST : Pr Paul Stewart (UK), ECE Munich, mardi 31 mai 2016.