Le nombre de puberté précoce idiopathique (PPI) est en nette augmentation ces dernières années au niveau mondiale (1). La Belgique n’échappe pas à ce constat avec une multiplication par 2,5 du nombre de PPI chez les filles entre 1989-1993 vs. 2009-2013, sans augmentation de la prévalence des pubertés précoces organiques. Si le timing de la puberté semble programmé pendant la vie fœtale et néonatale, des facteurs environnementaux et notamment l’exposition à certains perturbateurs endocriniens pourraient interférer. Cependant, la revue de la littérature des études réalisées chez l’homme ne permet pas d’affirmer de lien entre l’exposition au Bisphénol A (BPA) et l’âge du démarrage pubertaire.

J-P Bourguignon a étudié l’effet d’une exposition très précoce (entre J1 et J5 de vie) à du BPA chez des rats femelles, et ceci à différents dosages (2). Pour mémoire, l’autorité européenne de sécurité des aliments a fixé une dose journalière admissible à 4 mg/kg/jr de BPA chez l’homme.

Après 15 jours d’exposition au BPA, la conséquence pubertaire varie selon la dose employée : à une forte dose (5mg/kg/jr), l’ouverture vaginale est plus précoce que dans la population contrôle, et est précédée de l’apparition prématurée des pulses de GnRH. A l’inverse, à une faible dose (25ng/kg/jr), l’apparition des pulses de GnRH était retardée de même que l’ouverture vaginale.

Ces résultats suggéraient un effet dose dépendant du BPA sur le timing pubertaire. Mais par quel mécanisme ?

L’expression d’ARNm de gènes hypothalamiques impliqués dans les voies de signalisation GABAergiques a été modifiée de façon dose dépendante lors d’une exposition au BPA. L’équipe de J-P Bourguignon a alors étudié l’effet du BPA en présence d’un agoniste et d’un antagoniste du récepteur de GABA (Muscimol et Bicuculline, respectivement). Lors d’une exposition à de petites doses de BPA et en présence de l’antagoniste du GABA, la fréquence des pulses de GnRH était augmentée, confirmant l’effet central GABAergique du BPA (figure 1).

Capture d’écran 2016-06-01 à 20.00.47Figure 1 : Etude d’explants hypothalamiques in vivo en présence d’agoniste ou antagoniste GABAergique. Un groupe avec petite dose de BPA (25ng/kg/jr) et un groupe forte dose (5mg/kg/jr) (2)

Ainsi une petite dose de BPA semble entrainer un retard pubertaire par une élévation du signal GABAergique alors qu’une forte dose est responsable d’une avance pubertaire par une réduction de ce signal.

En conclusion, l’effet du BPA sur le déroulement pubertaire des rats femelles se ferait via un effet central impliquant les neurones GABAergiques et ceci de façon dose dépendante. De petites doses de BPA retarderaient l’activation des signaux neuroendocriniens de la puberté via une modification du signal GABAergique.

D’autres études ont également mis en évidence un effet cérébral dose dépendant du BPA sur les neurones GABAergiques (3).

Références :

1. Parents AS, Franssen D, Fudvoye J, et al. Developmental variations in environmental influences including endocrine disruptors on pubertal timing and neuroendocrine control: Revision of human observations and mechanistic insight from rodents. Front Neuroendocrinol. 2015, 38 : 12–36

2. Franssen D, Gérard A, Hennuy B, et al. Delayed Neuroendocrine Sexual Maturation in Female Rats After a Very Low Dose of Bisphenol A Through Altered GABAergic Neurotransmission and Opposing Effects of a High Dose. Endocrinology. 2016, 157(5):1740–1750

3. Zalko D, Soto AM, Canlet C, et al. Bisphenol A Exposure Disrupts Neurotransmitters Through Modulation of Transaminase Activity in the Brain of Rodents. Endocrinology. 2016, 157(5):1736–1739

D’après la communication « Environmental modulation of the pubertal timing and neuroendocrine regulation » de Jean-Pierre Bourguignon (Belgique), ECE 2016, le lundi 30 mai 2016.